Protecteur : Le Rêveur
Vous êtes un personnage, vous avez fini par le découvrir, et cette découverte vous a plongé dans la stupeur. Un personnage – comme il y a des histoires avec des personnages dedans. Dans ce sens là ! Et ce n’est pas tout. Toute personne autour de vous est également un personnage. Certaines même plus que d’autres – mais ça, vous ne savez pas encore très bien pourquoi.
Qui dit personnage dit histoire, ou scène de théâtre. Et qui dit histoire dit auteur. Vous vous êtes battu pour connaître votre auteur, et vous avez bien cru ne jamais y arriver, mais vous avez fini par l’identifier, au termes de recherches occultes d’une complexité sans nom. Votre auteur est un rêveur. Quelqu’un qui rêve de vous.
Ce n’est pas un dieu, vous en êtes persuadé, parce que ce rêveur rêve même des dieux. Il n’est peut-être pas seul : peut-être que d’autres rêvent avec lui. Mais il est pourtant proche de vous, et vous en avez déduit qu’il rêve de vous d’avantage que d’autres, et qu’il est lié à vous.
Quand il rêve de vous, il rêve aussi de vos compagnons, il rêve des lieux que vous traversez, des moments que vous vivez. Il rêve de vos aventures et de vos rencontres : cette découverte a failli vous rendre fou. Au delà de la remise en question de votre existence tangible, de l’existence tangible de votre environnement, une chose vous a particulièrement tracassé : qu’en était-il de votre liberté ? De vos choix ? En poussant vos recherches, vous vous êtes rendu compte d’un fait extraordinaire : votre rêveur éprouvait du plaisir à certaines de vos aventures, de la douleur à d’autres. Et réalisant cela, vous avez mis le doigt sur ce qui pourrait le faire plier, et retrouver de votre liberté propre. Vos dernières expérimentations ont été concluantes. En infléchissant les choses de telle ou telle manière, même légère, même subtile, vous parveniez à effrayer ou à remplir de joie votre rêveur. Et soudain, vous avez compris que vous teniez la base la plus solide qui soit pour négocier un pacte.
Au départ atterré par la découverte de l’absolue futilité de votre vie et de celle de vos proches, vous avez retrouvé le goût des choses grâce à ce pacte. Parce que vous avez quelque chose à faire à nouveau : vous êtes au service de l’histoire. Et, tout en respectant avec le minimum de fidélité requis cette tâche (il ne faudrait pas que votre rêveur se réveille d’avoir cauchemardé, car alors qu’en serait-il de vous ?), vous tirez d’un pacte avec lui qui semble plus tacite que conscient (mais un rêveur est-il conscient ?) des pouvoirs au delà de ce que les autres appellent illusoirement le réel. Vous racontez son histoire à lui – mais c’est vous qui racontez son histoire.
Liste de sorts étendue
Pactiser avec le Rêveur vous permet de choisir parmi une liste de sorts étendue quand vous apprenez un sort de sorcier. Les sorts suivants sont ajoutés à la liste de sorts de sorcier pour vous.
Niveau de sort | Sorts |
1 | Charme-personne, Déguisement |
2 | Augure, Aide |
3 | Dissipation de la magie, Feindre la mort |
4 | Fabrication, Métamorphose |
5 | Éveil, Rêve |
Privilégié du rêveur
Dès le niveau 1, vous avez quelques moyens d’actions sur le Rêve (le monde, dans la définition d’autrui). Les autres n’ont simplement pas à savoir d’où vous tirez ces moyens.
Tant que vous êtes seul, vous avez l’avantage sur vos tests actifs et jets envers les créatures qui ne sont pas hostiles, à condition que le MD estime que ce n’est pas nécessaire à l’histoire.
Si le MD refuse l’application de votre aptitude, vous sentez simplement que votre pouvoir est réprimé.
Apprenti compteur
L’histoire est racontée par vous et vos alliés pour le(s) rêveur(s), mais vous avez votre mot à dire. À partir du niveau 6, vous pouvez modifier l’élément d’une description. Cela doit être un élément laissé flou dans la description du MD, comme une paroi qui semble facile à grimper en se rapprochant, une porte qui se trouve être entrouverte, le bruit d’un cours d’eau non loin qui tombe bien quand on a besoin d’eau, ou un message indiquant des directions gravé sur un arbre à proximité.
Cette aptitude ne doit pas donner lieu à une argumentation avec le maître du jeu. S’il vous oppose un refus, vous devez l’accepter aussi poliment qu’immédiatement. Souvenez-vous que le moindre soubresaut dans le rêve peut provoquer l’éveil de votre Rêveur, et c’est bien la dernière chose que vous voulez obtenir.
Une fois cette aptitude utilisée, vous devez attendre la fin d’un repos court ou long pour l’utiliser de nouveau.
Licence ès onirisme
Au niveau 10, vous affermissez votre contrôle subtil sur le Rêve (toute votre marge consiste à utiliser votre connaissance du Rêve sans provoquer quelque chose de trop fort qui risquerait d’éveiller le Rêveur). Vous pouvez modifier ainsi certaines parties pour qu’elles vous avantagent.
Vous disposez de 9 points d’onirisme, à dépenser selon votre gré dans n’importe quel effet de la liste présentée page suivante. Vous récupérez 3 points d’onirisme dépensés lors d’un repos court, et l’intégralité lors d’un repos long.
Circonstance défavorable (1 point). Par une action (le temps de l’étudier soigneusement en tant qu’élément du rêve), vous affaiblissez mystérieusement un ennemi. Il a probablement mal dormi la nuit précédente, ou en fait il se rend compte qu’il s’est trompé de couloir, ou encore le Rêveur s’aperçoit qu’il symbolise autre chose. Quoi qu’il en soit, il a un désavantage à son prochain jet de sauvegarde : quelque part, loin de vous (mais ça vous ne le savez pas), une main mystérieuse lance un second dé.
Langue ésotérique (1 point). En maintenant votre concentration, vous pouvez remplacer une langue écrite sur un ouvrage ou parler avec quelqu’un par une autre. Vous avez remarqué que même si la langue est stipulée dans le rêve, elle n’est jamais présente dans les détails.
Mise en valeur (1 point). Vous pouvez utiliser une action pour nommer l’un de vos alliés. Si celui-ci est en train de faire quelque chose, il est Aidé, même si vous ignorez ce qu’il fait, et même si vous n’avez pas la maîtrise de la compétence qu’il emploie. La distance qui vous sépare n’a aucune incidence.
Source du symbole (1 point). Lorsque le MD décrit une créature ou un lieu, et utilise une comparaison pour cela, si vous pouvez attester qu’il a déjà utilisé la même comparaison plus tôt pour une autre créature ou un autre lieu, le MD peut accepter de vous donner une information éventuelle sur ce qui relie les deux créatures ou les deux lieux, même si vous n’avez aucun moyen de le savoir.
Ce n’était qu’un rêve. Sur une action, vous vous réveillez de votre dernier repos long. Tout ce qui s’est passé depuis n’était qu’un rêve.
Cette effet ne vous coûte aucun point, et vous pouvez le lancer même si vous avez déjà épuisé tous vos points d’onirisme. Cependant, vous ne disposez de cet effet qu’une seule et unique fois dans votre vie.
Chacun son histoire (3 points). Si vous croisez un PNJ ou un objet qui n’a pas de nom, vous pouvez le nommer et inventer son histoire, pour peu qu’elle ne provoque pas de paradoxe aux yeux du MD (vous sentirez une résistance annonçant qu’il vaut mieux arrêter là si vous ne voulez réveiller personne).
Cousu de fil blanc (3 points). Le Rêveur a une certaine logique, vous commencez à la connaître. Vous obtenez la maîtrise de l’Investigation jusqu’à votre prochain repos long. Si vous la possédez déjà, vous pouvez doubler votre bonus de maîtrise lors des tests que vous effectuez avec cette compétence (toujours jusqu’à votre prochain repos long).
Si vous jouez avec la règle de la Spécialisation, vous pouvez appliquer celle-ci exactement comme si vous possédiez de façon permanente cette maîtrise, le temps que dure l’effet.
Délit d’initié (3 points). Vous avez appris à raturer l’histoire en votre faveur. Vous pouvez relancer un jet que vous venez de faire et qui vient d’être résolu.
Rêve dans le rêve (3 points). Vous pouvez lancer un sort appartenant à l’école de l’illusion sans dépenser d’emplacement de sort. Vous devez cependant disposer d’un emplacement de sort du niveau requis. Le sort peut être issu de n’importe quelle liste, vous le lancez tout de même en tant que sort de sorcier.
En dehors du rêve
À partir du niveau 14, vous avez suffisamment étudié les mécanismes qui vous unissent à votre rêveur pour les mettre à profit à votre tour. Vous disposez d’un demi-plan personnel, qui se plie à vos envie : c’est votre histoire. Tant que l’on est dans ce demi-plan et si vous le souhaitez, on ne souffre pas de la faim, de la soif, de la fatigue, et le flux du temps y est différent. On peut s’y restaurer, mais cela n’est pas nourrissant. On peut tout de même y dormir confortablement.
Le demi-plan a les dimensions d’une salle vide de 9 mètres de long, 9 mètres de large et 9 mètres de haut. Ses murs sont indestructibles, par quelque magie que ce soit.
Vous voyagez vers votre demi-plan, ou le quittez pour retourner au Rêve, en créant une Porte Ouverte, sur une action, en un quelconque point de l’espace (y compris en hauteur) situé à 9 mètres ou moins de vous. La porte peut se maintenir jusqu’à une minute durant, mais vous devez rester concentré pour cela. Quand la porte se ferme, elle disparaît purement et simplement, et cesse d’être.
Tant que la porte reste ouverte, elle crée une aspiration phénoménale sur un rayon de 6 mètres autour d’elle. Toute créature qui commence son tour au sein de l’aspiration doit réussir un jet de sauvegarde de Charisme contre le DD de vos sorts (cette aspiration n’a rien de physique, et du reste elle n’entraîne pas les objets non tenus ou non portés, même si on peut jeter des objets par la porte). En cas d’échec, elle est aspirée dans votre demi-plan. La créature peut tenter de s’accrocher à un élément du paysage : elle bénéficie alors de l’avantage à son jet de sauvegarde. Une créature dans les airs ou sur une surface particulièrement glissante aura, elle, un désavantage.
La porte aspire les créatures dont la taille n’excède pas celle de votre demi-plan. Si un obstacle physique capable d’arrêter le poids de la créature en mouvement se situe entre elle et la porte, la créature résiste à l’aspiration, tant qu’elle ne quitte pas cet obstacle, et qu’il résiste à son poids. La créature peut se blesser en heurtant l’obstacle : considérez ceci comme une chute d’une hauteur égale à la distance qui sépare le point de départ de la créature à l’obstacle. Une créature consentante peut décider d’échouer à son jet de sauvegarde. Une créature inconsciente échoue automatiquement.
Pour peu qu’elle dispose d’un peu d’intelligence, une créature amenée dans votre monde comprend vite qu’elle est maintenant dans une autre réalité, même si elle n’était pas consciente au moment où elle a été aspirée.
Bien qu’elle puisse souffrir, une créature ne peut subir de blessure concrète dans cet espace parallèle. Considérez que tous les dégâts subits sont psychiques, que l’on est stabilisé automatiquement lorsqu’on y atteint 0 point de vie, et que l’on ne peut atteindre le 5ème stade de fatigue (4ème maximum).
À l’intérieur du demi-plan, une créature qui souhaite s’échapper peut tenter de nouvelles fois son jet de sauvegarde, jusqu’à parvenir à « trouver une sortie », même si la porte s’est refermée depuis. La fréquence à laquelle elle peut retenter ce jet de sauvegarde dépend du nombre de fois qu’elle y échoue (comptez l’échec qui l’a amenée ici), comme l’indique le tableau ci-dessous :
Nombre d’échecs au jet de sauvegarde | Attente avant de pouvoir retenter le jet | Nombre d’échecs au jet de sauvegarde | Attente avant de pouvoir retenter le jet |
1 | 1 round | 6 | 1 mois |
2 | 1 minute | 7 | 1 an |
3 | 1 heure | 8 | 10 ans |
4 | 1 jour | 9 | 100 ans |
5 | 1 semaine | 10 (etc.) | 1 000 ans (etc.) |
Un échec de 5 points ou plus compte comme 2 échecs de plus au lieu d’un. Un échec de 10 points ou plus comme 3 échecs de plus au lieu d’un. Etc.
Quand la créature parvient à sortir, elle se retrouve au sol, et se « réveille », comme si elle avait rêvé.
Vous pouvez créer une porte similaire, avec le même pouvoir d’aspiration, au sein de votre demi-plan, pour faire le ménage vers l’extérieur. Mais vous pouvez aussi tenter vous-même le jet de sauvegarde…
Aucun sort de voyage planaire ne peut fonctionner dans votre demi-plan, et nul à part vous même ne peut en visionner le contenu depuis l’extérieur. Vous, en revanche, pouvez le faire à tout moment, en restant concentré. Vous voyez alors comme si vous étiez parmi ses occupants, ou occupiez un point quelconque de la pièce. Cependant, tant que vous restez concentré pour faire cela, vous ne percevez plus votre environnement immédiat (sauf si on vous appelle pour passer à table – non, c’est une blague).
Une fois que vous avez utilisé cette aptitude pour créer une porte, vous devez attendre la fin d’un repos court pour pouvoir en créer une nouvelle.
La descendance
Si vous utilisez les avantages épiques du Dungeon Master’s Guide, vous ajoutez l’avantage épique suivant à la liste de ceux qui vous sont accessibles (pour obtenir l’ensemble des effets décrits, il faudra sans doute songer à le prendre plusieurs fois) :
Votre demi plan s’agrandit. Les murs de la salle s’abattent vers l’extérieur, et un paysage s’étend tout autour. Vous décidez de sa géologie et de sa géographie, ainsi que de ses caractéristiques climatiques. Les créatures peuvent y vivre et mourir normalement et la vie commence à l’habiter. Toute blessure y devient réelle. La faim, la soif, le sommeil pareillement. En fait, tout y est réel.
Seules les créatures qui auraient le souvenir d’un autre monde peuvent tenter d’y échapper (c’est à dire qu’elles ne soient pas nées ici, par exemple). Vous pouvez imaginer une cosmologie propre au sein de laquelle le voyage planaire fonctionnerait. Et qui sait, peut être aussi un sorcier avide de pouvoir. Celui-là vous plairait assez… Mais ce n’est plus au Rêveur de raconter cette histoire.
LE RÊVEUR ET LE QUATRIÈME MUR
Quoi que cette sous-classe puisse évoquer chez vous, et malgré que certaines de ses aptitudes fassent appel à la notion de MD, il serait sage de maintenir une ambiguïté sur la nature du rêveur – et même, sur la sanité de votre sorcier. Après tout, il est peut-être atteint d’un grave délire de négation de la réalité. Comme il est également envisageable qu’une entité fantastique, hors de portée du monde, existe quelque part dans le multivers. Pareille entité aurait de grands pouvoirs, comme la plupart des protecteurs d’Outremonde, mais ne disposerait pas nécessairement de tous les pouvoirs sur l’univers. Peut-être ne rêverait-elle que partiellement de son sorcier, et son rêve s’additionnerait à la structure tangible du monde. Du point de vue du roleplay, c’est ainsi que votre personnage devrait l’envisager.
Bien sûr, nous savons bien que le Rêveur peut être tout autre chose. Mais il n’est jamais bon de briser le quatrième mur. Il ne faut pas que le Rêveur se réveille.
Création de Pachumain, rédaction par Snorcraff.